Didier Arnal-Brezun
Posté le 08/11/2020 à 22h29
Une boucle de 5 jours dans les Pyrénées Ariégeoises - 24 au 28 mai 2020
L’idée de cette boucle est née pendant le premier confinement du Covid-19. En sortant de ce confinement, j’avais devant moi une semaine de congés et l’envie de retrouver la montagne. Il fallait par contre faire avec les contraintes sanitaires : pas d’éloignement à plus de 100km du domicile, pas de gîte ou de refuge ouvert ni bien sûr de restaurant. Le champ des possibles était donc réduit. Avec Sophie, nous avons choisi l’Ariège et plus particulièrement la zone qui s’étend du Luchonnais au Couserans entre pic de Crabère et Mont Valier.
L’Ariège présente l’avantage de disposer de nombreuses cabanes ouvertes qui sont autant de possibilités pour passer la nuit à l’abri. Il ne restait alors plus que le problème de la nourriture et là, pas d’autre solution que d’emporter nos provisions pour être en complète autonomie.
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Etape 1 : Labach-de-Melles – refuge de l’étang d’Araing (14,7km, 1676m D+)
Départ de Labach-de-Melles où se trouve un petit parking bien pratique. Le temps est encore brumeux après les pluies de la veille et la montée se fait dans le brouillard. Le sentier s’élève dans la forêt de hêtres et atteint la cascade d’Auède. Nous traversons le torrent puis, après avoir passé deux couloirs d’avalanche, nous sortons de la forêt. Le sentier continue en lacets puis nous atteignons un plateau marécageux au niveau de la cabane d’Uls. Nous rencontrons un coureur qui redescend après être monté à l'étang d'Araing. Nous échangeons un peu. Il porte un tee-shirt où il inscrit chaque année les noms des trails auxquels il a participé, amusant !
Le sentier continue dans les pacages d’Uls. A droite, on peut apercevoir d’anciennes mines de Blende, principal minerai de zinc.
Après avoir passé trois petits névés, nous arrivons au pas du Bouc puis au col d’Auréan (2176m), à l'intersection du GR10 et du chemin menant au pic de Crabère. 3h30 pour 8km et 1000m D+, on a déjà fait plus rapide.
Nous nous arrêtons pour la pause déjeuner et nous voyons redescendre Jean-Paul qui est monté pour la journée. Il nous dit que ça passe bien pour monter au pic, nous voilà rassurés et nous pouvons entamer l'ascension. Celle-ci est difficile avec le poids des sacs encore pleins. Nous discutons avec un randonneur qui descend du pic. Il nous demande notre âge et nous dit que c'est dans la période 55-65 ans qu'il a gravi tous ses 6000 dont l'Anacongua : il n'est donc pas trop tard …
Encore un petit névé en haut avant de pouvoir admirer le spectacle qui est grandiose. Nous dominons maintenant les nuages et nous pouvons admirer la vue sur le Luchonnais à l'ouest, sur les sommets ariégeois à l'est (Maubermé, Barlonguère, Mont-Valier...) et sur le massif de l'Aneto au sud.
Etape 2 : refuge de l’étang d’Arain – cabane du Besset (24,1km, 1533m D+)
Après une nuit tranquille, la vue sur l’étang est entièrement dégagée au petit matin. Le petit-déjeuner se compose de thé ou chocolat et de deux tranches de pain de mie avec des sticks de confiture. Nous nous apercevrons vite que le pain de mie n’était pas la meilleure idée pour un petit déjeuner consistant !
Nous démarrons par une montée de 300m pour atteindre la Serre d’Araing au-dessus de l’étang. De bon matin, cela passe bien. De là, nous profitons d’un beau panorama sur les montagnes du Couserans. Puis nous atteignons vite les bâtiments des mines de Bentaillou à 1870m. Ces mines d’où l’on extrayait le plomb et le zinc furent exploitées de 1853 à 1926 avant que le cours du zinc ne s’effondre. Des tentatives de réouverture eurent lieu ensuite mais sans grand succès. Le paysage laissé par ces bâtiments abandonnés, ces pylônes et câbles laissés à l’abandon et les galeries encore ouvertes est austère et bien éloigné des paysages bucoliques des Pyrénées. Mais c’est une trace de l’histoire de cette région qui l’a fait vivre et rendue prospère pendant près d’un siècle.
Après avoir passé la mine, nous continuons notre longue descente vers le village d’Eylie. La descente est exigeante avec une forte déclivité par endroits et un chemin rendu glissant par les torrents qu’il croise. Le village d’Eylie est un village typique avec de belles maisons en pierre et il abrite un gîte d’étape qui peut être un bon point de départ pour des randonnées dans le Biros.
Après avoir passé Eylie, nous contournons l’usine abandonnée et nous nous engageons sur le chemin des mineurs qui se rendaient aux mines de Bulard. Le chemin domine la vallée du Lez et s’élève par de nombreux lacets vers un abri de berger situé à 1660m. Puis, nous atteignons le col de l’Arech à 1802m. Le panorama est très beau. Il nous reste une longue descente vers le fond de la vallée d’Orle puis nous entamerons la dernière montée vers la cabane de Besset (1494m), notre gîte pour la nuit.
Cette dernière montée de presque 500m est éprouvante et nous comptons les mètres de dénivelé qui nous séparent de la cabane. Mais l’excitation de la découverte de cette cabane nous donne la force d’avancer. Après être sortis de la forêt, il nous reste une centaine de mètres de dénivelé dans les pacages avant d’atteindre la cabane. La récompense est là ! La cabane domine la vallée et offre un panorama splendide. Devant la cabane, l’eau salvatrice jaillit d’une fontaine. L’intérieur de la cabane est propre : une super adresse !
Etape 3 : cabane du Besset – cabane du col d’Eliet (21km, 1572m D+)
Après avoir profité une dernière fois du panorama, nous reprenons nos sacs et entamons la montée vers le Clot du Lac à 1821m. Une fois la crête franchie, nous empruntons une pente herbeuse en direction du grand ravin de Trapech. Puis nous descendons dans le vallon vers la cabane du Trapech. Il y a plusieurs cabanes sur le chemin, autant de haltes possibles pour le randonneur. La sente descend ensuite en lacets pour gagner la maison du Valier. Au détour d’un lacet, nous nous faisons doubler par un VTTiste. Pour prendre les virages, il n’a d’autre choix que de lever la roue avant de son VTT et d’effectuer un demi-tour bien calculé : il maîtrise !
La maison du Valier est toujours aussi agréable au bord du ruisseau du Ribérot. Nous nous accordons une petite halte et un rafraîchissement : trop tôt pour la bière, ce sera coca !
Nous laissons le chemin du mont Valier pour monter en lacets le long des cascades du Muscadet. Nous franchissons ensuite le ruisseau d’Aouen puis nous atteignons les estives. Nous suivons le ruisseau et arrivons à la cabane d’Aouen à 1620m. La montée le long du ruisseau est très agréable et le panorama se découvre petit à petit. Il est temps de trouver un endroit pas trop escarpé pour la pause déjeuner.
Pendant notre pause, un randonneur s’arrête quelques instants pour discuter avec nous. Les rencontres sont rares … alors, nous discutons avec plaisir quelques instants. C’est un local, il nous parle de la beauté de ces paysages mais aussi de la rudesse de ces sentiers.
Après cette halte, nous repartons dans notre montée vers le cap des Lauses à 1892m. Puis, nous prenons un sentier à gauche tracé sur le flanc ouest du pic de Montgarié pour arriver au col de la Laziès (1840m). Le panorama est un des plus beaux de ce périple.
Une fois la crête franchie, nous franchissons encore un collet puis nous descendons vers l’étang d’Ayes à 1694m. Il n’y a pas beaucoup d’étangs sur ce parcours. Alors, nous profitons un moment de l’endroit. Nous remontons vers le col d’Audéole à 1730m. La cabane du col d’Eliet est située juste en-dessous du col et nous avons hâte de découvrir notre logis du jour.
La cabane est située en contrebas du chemin. Le lieu est moins magique que la veille mais ne boudons pas notre plaisir, l’endroit est quand même très recommandable. Une adduction d’eau est présente et la cabane, prévue pour 6 personnes, est confortable. Elle est visiblement souvent occupée car quelques denrées solides ou liquides y sont entreposées (une bouteille de whisky, un saucisson accroché à une poutre, …). Mais nous résisterons à la tentation !
Etape 4 : cabane du col d’Eliet – cabane du col d’Arraing (31km, 1099m D+)
Avant de partir pour une nouvelle journée, je profite de la lumière de ce début de matinée pour prendre quelques photos. Nous remontons ensuite jusqu’au col d’Audéole puis nous descendons vers l’est au pied de la crête de Balam. Nous longeons de belles falaises glacières avant de descendre vers le col de la Core, situé à 1395m.
Cette étape se différencie des autres car elle ne se situe pas en montagne mais parcourt la vallée de Bethmale pour revenir plein ouest et se rapprocher de notre point de départ.
Nous quittons le GR10 au col de la Core et nous nous dirigeons vers l’étang de Bethmale, d’abord par la route. Nous croisons plusieurs cyclistes qui nous demandent si le col est encore loin. Il semble que la montée soit longue … ce qui me sera confirmé par la suite (17km et 830m D+ depuis Castillon-en-Couserans).
L’étang de Bethmale est un havre de paix et nous faisons une halte plaisir au bord du lac. Avec nos maillots de trails, nous nous faisons régulièrement remarquer et, effectivement, un homme m’aborde. Aujourd’hui, c’est maillot de l’Euskal Trail pour Sophie et moi ! Nous parlons du Grand Raid des Pyrénées que nous avons couru la même année, un super souvenir.
S’ensuit un long parcours avec quelques jolies vues sur les villages qui parsèment la vallée. Mais le sentier qui est une variante du GR10, nommée GR10E, est parsemé de clôtures, souvent avec barbelés. On a l’impression de ne pas être bienvenus sur ce chemin, dommage !
Arrivés à Bordes-Uchentein, nous sommes au point le plus bas de notre boucle, à 570m d’altitude. Mais il s’agit maintenant de remonter puisque la cabane du col de l’Arraing, notre destination du jour, se situe à 1370m d’altitude. Nous passons par les villages d’Uchentein puis de Balacet avant d’entamer la dernière montée. Les villages du Biros sont très typiques avec de belles fermes joliment rénovées.
Depuis Balacet, le parcours suit le GRP du tour du Biros, une belle boucle de 53km qui emprunte les chemins pastoraux, muletiers et miniers de cette belle région. L’étape est longue, plus de 30km, et la dernière montée vers la cabane tant convoitée se mérite ! Chaque jour, nous nous demandons si la cabane sera libre car nous n’avons pas pris la tente pour ne pas nous surcharger d’avantage. Cette fois encore, la chance sera avec nous !
L’arrivée sur la cabane du col de l’Arraing se fait par une grande pente herbeuse. Le soleil commence à descendre et de jolies lumières apparaissent. A côté de la cabane, une bergerie est en construction et nous avons la chance de rencontrer les bergers. La cabane est plus rudimentaire que les autres mais le lieu est le plus magique ! Il faut juste faire ami-ami avec les vaches qui ont tendance à s’installer tout autour de la cabane et se garder le point d’eau pour elles. Normal, c’est nous qui venons troubler leurs habitudes.
Etape 5 : cabane du col d’Arraing – Labach-de-Melles (35km, 1659m D+)
Le parcours de ce dernier jour commence par suivre le GRP du tour du Biros, à flanc de montagne d’abord avec les pics de l’Arraing, de Moussau et de Serrau en fond. Puis s’ensuit une longue partie en sous-bois avant de descendre sur le village de Frechendech, situé à 900m d’altitude.
De Frechendech, nous pourrions remonter vers l’étang d’Arraing et reprendre notre chemin de l’aller mais nous avons choisi pour notre retour de bifurquer à droite vers la chapelle de l’Isard. L’endroit est vraiment bucolique et je regrette de ne pas avoir prévu une halte ici. Je tente ma chance auprès de Sophie mais nous n’avons presque plus de nourriture, ce qui fait pencher la balance pour terminer la boucle avant la fin de la journée.
Encore de belles cabanes durant la montée, dont la cabane du Troumas où nous rencontrons les propriétaires qui l’ont entièrement rénovée. Ils nous proposent de la prendre pour la nuit car ils vont redescendre dans la vallée, c’est vraiment sympa.
Le sentier que nous empruntons doit nous conduire jusqu’au col d’Auarde (1952m). L’approche est très chouette. Le col se dresse au fond derrière la cabane des Pugues, laissant présager une montée abrupte. Une fois le col franchi, nous pourrons rejoindre le GR10 et entamer notre descente.
Le sentier vers le col d’Auarde est difficile à trouver et nous hésitons à plusieurs reprises. Finalement, nous montons tout droit dans la pente. Avec le sac sur le dos, c’est sportif ! Mais, nous retrouvons le sentier à mi montée et nous rejoignons le col. A gauche, le pic de Pièlé de Mil, à droite le pic d’Auère et plus loin le pic de la Calabasse, en face le pic de Crabère. Le dernier panorama n’est pas le moins beau !
Du col d’Auarde, un sentier facile rejoint le GR10 à 1900m un peu avant la cabane d’Uls puis s’ensuit la longue descente vers Labach-de-Melles. Nous marchons depuis plus de 8h et cette étape est vraiment longue et éprouvante. Dans la descente, nous nous accordons une dernière pause et finissons le morceau de fromage qu’il nous restait. Je ne sais si c’est le fromage ou l’approche de l’arrivée mais nous retrouvons tout à coup quelques forces et terminons la descente à petites foulées. Notre corps nous a encore réservé une belle petite surprise !
Cinq jours d’échappée belle pour évacuer les frustrations du confinement et retrouver cette liberté un moment confisquée.
Cinq jours dans les montagnes Ariégeoises à la découverte des cabanes ouvertes au randonneur, trop heureux de trouver un peu d’hospitalité dans ces montagnes si rudes.
Cinq jours de retour à la vraie nature, celle que les hommes ont un moment exploitée et qui, ici, a retrouvé sa vocation originelle : permettre à l’homme de prendre de la hauteur quand le monde d’en bas ne tourne pas très rond !
Conseils
Parcours
Nous avons réalisé cet itinéraire du 24 au 28 mai 2020. Nous n’avons pas été gênés par la neige et nous avons même pu monter au pic de Crabère. Néanmoins, nous avons trouvé quelques névés aux alentours de 2000m. Les bâtons me paraissent indispensables et il faut se renseigner au préalable pour savoir s’il faut prendre le crampons ou pas. Nous les avons pris par précaution mais laissés au fond du sac.
La boucle complète compte à ma montre Garmin 125km et 7500m de D+.
C’est une très belle boucle, ardue, qui donne un bel aperçu de cette partie des Pyrénées Ariégeoises.
Nous avions choisi comme point de départ Labach-de-Melles, point le plus près de Luchon où nous résidions. Mais il est aussi possible de partir de Bordes-Uchentein par exemple, ce qui raccourcira un peu la boucle.
La quatrième étape, en grande partie dans la vallée de Bethmale, détonnait un peu après les reliefs traversés mais c’était un peu inévitable à partir du moment où nous avions choisi de faire une boucle.
La cinquième étape aurait méritée d’être partagée en 2 étapes avec une halte vers la cabane de l’Isard, quitte à ajouter un pic pour compléter la journée.
Sacs à dos et nourriture
Les sacs à dos étaient bien lourds et nous avons encore beaucoup à apprendre pour optimiser le poids de sacs. Nous avions laissé la tente à la maison mais pris le matelas gonflable car les matelas des cabanes sont souvent dans un état de propreté très moyen.
Au niveau nourriture, j’ai testé la nourriture lyophilisée qui est un bon compromis quand on part en autonomie complète. Nous avions également des plats en conserve mais le poids se fait vite sentir.
Pour le petit-déjeuner, nous avions du pain de mie et des sticks de confiture, bien insuffisants par rapport à l’effort demandé par ces randonnées. Prendre au moins du pain complet.
Nous avions également 500g de fromage des Pyrénées, lourd mais incontournable et un saucisson pour l’arrivée à la cabane le soir. Je n’ai pas été jusqu’à amener les bières !
Guide
J’avais acheté le TopoGuide édité par la FFR « La Traversée des Pyrénées – Pyrénées Ariégeoises et tours du Val du Garbet et du Biros ». J’aime beaucoup ces guides qui sont un fil rouge tout au long de la randonnée et prodiguent quelques informations enrichissantes sur la région traversée, ses habitants, sa faune et sa flore, ses traditions, …
Remerciements
Un grand merci à Clément pour m’avoir guidé dans la préparation de cet itinéraire, en particulier pour le retour par le col d’Auarde qui était un vrai plus de cette boucle, et pour ses bonnes adresses sur les cabanes à privilégier.
Merci à François pour le prêt des crampons qui, à défaut de servir, auront pris l’air de la montagne !
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