Didier Arnal-Brezun
Posté le 03/11/2019 à 18h38
Raid des Bogomiles - 25 octobre 2019
L'idée prend naissance sur les massifs du Beaufortain, parcourus cet été en rando avec Sophie. Depuis 2 ans et mon abandon au Grand Raid de la Réunion à cause de ma blessure au genou, je vis dans le doute de pouvoir courir à nouveau un ultra. Pourtant, ce premier test positif sur une rando de 105km en 5 jours me fait penser que c'est possible. Il faut juste courir en une journée ce que j'ai marché en 5 jours !
Quelle course choisir ? Un dénivelé raisonnable en évitant les grosses descentes de plus de 1000m des trails Pyrénéens et une date qui s'accorde avec le stage trail du groupe en septembre et le trail de Guara Somontano que nous avons planifié début octobre. Le Raid des Bogomiles, épreuve de 105km et 4000m de D+ du Grand Raid Cathare me tend les bras ! Il reste très peu de dossards, il faut que je me décide, je prends un des 2 derniers dossards disponibles ...
Sophie me fait l'assistance et Daniel et Léa vont m'accompagner sur la 2e moitié du parcours, Daniel sur une étape de 22km et Léa sur les 29 derniers kilomètres. Je sais, ce n'est pas autorisé par le règlement mais j'ai tellement envie de partager ces moments et je ne joue pas de podium. Dommage qu'en France, la pratique du pacer ne soit pas plus répandue, cela pourrait en intéresser beaucoup.
Le départ est fixé à 9h du matin ce vendredi 25 octobre. Après un gros épisode orageux 2 jours plus tôt, le soleil et la douceur sont au rendez-vous. Quelle chance !
Le démarrage se fait à allure raisonnable, entre 9 et 10km/h. Nous sommes très vite dans les chemins et le parcours est plaisant jusqu'au lac de Cavayère. Puis, ça commence à grimper un peu plus et certaines côtes sont glissantes en raison des pluies de ces derniers jours. Les quadris commencent à travailler !
Les sentiers nous conduisent dans le massif des Corbières, alternant sous-bois et vues plus dégagées. C'est sauvage, paisible, cela me plaît. Nous arrivons au bout de 19km au très joli village de Molières. Un village de caractère qui était encore abandonné il y a quelques années et a été reconstruit grâce à la volonté de quelques amoureux de cette région. Le ravitaillement est nourri, comme le seront tous les ravitaillements du parcours. Il y a même des tartines au Nutella et je m'en autorise une petite !
Puis, nous filons vers le prochain ravitaillement à Caunette sur Laquet au 33e km. Alternance de chemins et de pistes, toujours dans le même décor. Je sens un peu les genoux mais rien d'alarmant. Andy, qui était parti plus prudemment que moi, me double d'une belle foulée alerte. Les choses reviennent dans le bon ordre. Une petite erreur de parcours me vaut une rallonge de 800m et une bonne vingtaine de places ... je n'avais qu'à lever la tête !
A partir du 30e km, le paysage change quelque peu. Nous traversons quelques pâturages, l'espace est plus dégagé. Viennent alors les escabeaux. Ceux-ci ont été installés pour enjamber les clôtures. C'est un peu périlleux car il y a du barbelé juste en-dessous mais ce n'est surtout pas bon pour les crampes. Et les crampes arrivent, déjà ! Je prends un petit sachet de sel pur suivi d'une gorgée d'eau et l'effet est quasi immédiat. Un bon remède que j'ai déjà eu l'occasion de tester sur plusieurs ultras.
Ce n'est plus la foulée des 20 premiers kilomètres. Il fallait s'y attendre car mon entrainement est très juste pour un ultra. Il faut malgré tout relier le château d'Arques qui se situe à mi-parcours. La descente vers Arques permet de profiter d'un magnifique panorama sur la chaîne, Bugarach, le Barthélemy, le Canigou en arrière-plan ...
Au château d'Arques, après 7 heures de course, je retrouve Sophie, Léa et Daniel. Ils sont aux petits soins. Je m'autorise une pause d'une demi-heure, en profite pour me changer, essaie de manger du solide (c'est déjà difficile) et repars avec Daniel.
Il reste 5 étapes ponctuées par des ravitaillements. Il faut maintenant compter les kilomètres étape par étape afin que la tâche paraisse surmontable. Après une montée assez longue mais pas trop sévère, nous retrouvons nos pâturages et nos escabeaux. La vue est à nouveau magnifique et Daniel me nomme les sommets environnants. Après quelques crampes soulagées par un massage express, je retrouve petit à petit un rythme convenable.
Au ravitaillement de Villardebelle, au km 64, il est temps de mettre la frontale. Il ne fait pas encore nuit mais le terrain devient difficilement lisible en sous-bois. Je commence à gagner quelques places, c'est bon pour le moral. Il reste 9 km pour rejoindre le ravitaillement de Greffeil, a priori une formalité, mais la descente vers Greffeil s'avère rocailleuse et nécessite beaucoup d'attention. Heureux Andy qui a dû la faire de jour !
Depuis le dernier ravitaillement, j'ai définitivement renoncé à manger du solide. C'est habituel chez moi et finalement pas un si grand problème. Il y a de la soupe sur quasiment tous les ravitaillements et cela nourrit bien son homme. La boisson d'effort ne passe plus non plus. Là je me dis qu'il faut que je me concocte une boisson maison moins écœurante pour les ultras. Amis lecteurs, je suis à l'écoute de vos recettes !
Au ravitaillement de Greffeil, Daniel passe le relais à Léa. Il reste une grosse montée sur cette courte étape de 7km mais après, promis, ce sera plus facile ... Léa a pour mission de m'amener à l'arrivée, elle me le dit d'ailleurs, me montrant bien qu'il n'y a pas d'autre alternative ! Pas de soucis Léa, je ne vais pas lâcher.
L'avant-dernière étape entre Greffeil et Ladern compte 12km. Je range un moment les bâtons, pensant n'en n'avoir plus besoin, mais je me ravise bien vite. J'ai repris quelques couleurs et arrive à courir en montée, ce qui me permet de doubler quelques concurrents. Les sentiers sont joueurs mais il faut rester très vigilant. Tantôt Léa me fait la trace, tantôt je prends les commandes pour imprimer mon rythme. Le passage dans un ruisseau est un grand moment. Le sentier face à nous est gorgé d'eau. Je sonde avec mes bâtons, il semble qu'il y ait moins de profondeur sur les bords. Nous nous engageons ... et nous retrouvons avec de l'eau jusqu'aux cuisses ! Rafraîchissant et finalement revigorant pour les jambes. A la sortie du ruisseau, nous retrouvons un groupe venant de la gauche. Ils sont secs et ont visiblement trouvé un autre chemin ! Et en plus, il me semble bien les avoir déjà doublés ... Cela restera un mystère.
Cette étape n'en finit pas et, en plus, ça remonte à tel point qu'on croit à un moment s'être trompé. Pourtant, la ville de Carcassonne apparaît au loin et nous avançons dans la bonne direction. J'essaie de me sortir des groupes de coureurs en accélérant un peu car je trouve bien plus plaisant de courir dans la nuit seul ou en duo, à l'écoute des bruits nocturnes. Le dernier ravitaillement apparaît enfin, soudainement, au détour d'une descente.
Le temps de boire un coca pour recharger en sucre et c'est reparti. Encore 5 km de chemins puis le paysage change, évolue vers des vignes puis devient péri-urbain. Je viens de passer le 100e km. La première vue sur la Cité de Carcassonne est à la fois somptueuse et revigorante. Même s'il reste encore 3 ou 4 km, les doutent s'envolent. Deux traileurs nous doublent à bonne allure, enivrés par l'arrivée toute proche.
Arrivés au bas de la cité, un signaleur nous indique le 160km à gauche et le 105km à droite. Y aurait-il un petit bonus pour le 105km ?! Effectivement, le parcours suit maintenant le chemin de Ronde et nous faisons un bon petit tour des remparts avant de rejoindre la place du Dôme. Nous retrouvons Sophie et Daniel qui nous attendent, fidèles au rendez-vous. Un coup d'oeil derrière, deux traileurs ne sont pas loin, j'accélère un peu pour ne pas me faire rattraper, effort un peu vain mais salvateur.
Andy est arrivé depuis 2 heures, un grand bravo à lui ! Quant à moi, heureux d'en avoir fini et d'avoir passé ce test. Je termine 82e et 14e V2 en 15:53:31, quelle densité de V2 sur cette course ! Pas de doutes, c'est un bel ultra doté d'un beau parcours et bien organisé. Un ultra où il faut aussi savoir courir dans la durée pour être performant. Un grand merci à Sophie, Léa et Daniel pour leur assistance sans failles et au groupe pour vos encouragements.
Finalement, une belle année 2019, commencée difficilement mais ponctuée par 2 podiums, un à l'Euskal Trail en duo avec Deny et un au trail de Guara Somontano et puis, cet ultra inespéré ...
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